Daniel Mangeas 5 Mai 2007
C'est sur Paris-Nice que j'ai rencontré Jean de Gribaldy pour la première fois. Il est venu vers moi et m'a dit "l'année prochaine, j'aurai mon équipe à présenter à Besançon, je souhaiterais que tu viennes". Depuis que je suis entré dans le milieu du cyclisme pro, j'ai présenté toutes ses équipes, depuis Alsaver-Jeunet en 1975 jusqu'à Kas en 1986, en passant naturellement par les années SEM avec Kelly.

J'ai un souvenir particulier avec Jean, en relation avec Jean-Claude Bagot, qui était passé pro en 1983 à l'U.C. Pélussin mais qui n'avait pas d'équipe pour la saison suivante. Je suis allé voir Jean qui m'a répondu "bon, d'accord je vais essayer de le prendre". Je revois Jean quelques semaines plus tard, à la présentation du Tour de France. Bagot, qui était timide, n'osait pas aller à sa rencontre. "Alors Jean, qu'est ce que vous faîtes pour le petit Bagot ?" lui ai-je demandé. Il réfléchit, assis au bout d'une longue table et me répond "dis lui de venir me voir, Je le prends pour toi car tu ne m'as jamais rien demandé, mais il a intérêt à marcher". L'année suivante, en février 84, première course, le Tour Méditerranéen, 1er Bagot, 2e Roche. Je suis allé le voir le soir et je me souviens précisément de ce qu'il m'a dit "Oui, tu avais raison".

Ce que les gens ont peut être tendance à oublier, alors qu'ils ne pensent qu'au directeur sportif, c'est que Jean avait été un excellent coureur. Jean de Gribaldy, c'était un peu "Pierrot lunaire", il était tellement gentleman qu'on l'imaginait dans un autre milieu que celui du sport. Il avait cette classe et cette élégance naturelle, et était un mélange du directeur sportif et du PDG de la société qui finance l'équipe. Il assurait en même temps les relations publiques, c'était à ce titre un homme en avance sur son temps, déjà fait pour la communication. Je conserve de Jean l'image d'un homme chaleureux, que je n'ai jamais vu en colère. Un homme incroyablement abordable, sans jamais avoir ressenti l'impression de le déranger.

J'ai appris sa disparition dans ma voiture, à la radio. J'étais estomaqué. Tout le milieu cyclisme était vraiment en deuil. Le premier truc que je me suis dit c'est que l'on ne profiterait plus de la gouaille qui le caractérisait. Il était sans doute comme tout le monde, avec son lot d'ennemis, mais j'ai toujours entendu dire du bien de Jean. Sauf peut être ses coureurs qui disaient parfois " Ah, il ne veut pas que l'on mange de trop ! ". Il a beaucoup compté pour le vélo, les équipes, et les coureurs. Kelly ne serait pas devenu Kelly si il n'avait pas croisé sur sa route un certain Jean de Gribaldy.

Je ne vois personne se rapprocher de ce qu'était Jean. Je ne suis pas sûr que le cyclisme d'aujourd'hui lui aurait plu. Il aimait l'aventure, et il était un découvreur de talents. Peut être aurait-il monté une équipe continentale. Le pro Tour d'aujourd'hui est un milieu très fermé, et lui aimait que les talents puissent s'exprimer. Librement.


NB : Daniel Mangeas, speaker officiel du Tour de France est né en 1950. Figure incontournable dans le monde du vélo, il commente plus de 200 courses par saison.


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